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Interview - Juin 2025


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Nous inaugurons avec ce numéro une nouvelle série d’entretiens centrés sur le rapport à la loi, à une loi qui a marqué une carrière ou un engagement politique.


La loi génère des réformes et des changements d’organisation, elle permet de développer de nouvelles politiques publiques et de nouveaux services. Les retours d’expérience que nous vous présenterons ici visent à éclairer sur les effets « sur le terrain », pour les agents publics, de textes de loi. Ces dynamiques s’inscrivent dans notre conviction commune de la nécessité d’un service public qui se reforme et dans la continuité de nos précédentes interviews sur la conduite du changement dans nos institutions.


Notre invité de ce mois est Yann Bubien, directeur général de l’Agence Régionale de Santé de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Directeur d’hôpital de profession, il fut directeur de cabinet du président de la Fédération Hospitalière de France de 2000 à 2005, avant d’être nommé secrétaire général du centre hospitalier Sud-Francilien. Il rejoint en 2007 le cabinet de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, dont il devient le directeur adjoint de cabinet de 2009 à 2010, après avoir été conseiller de l’ambassadeur de France au Royaume-Uni.


Fin 2010, Yann Bubien intègre le cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé Xavier Bertrand, puis est nommé en 2011 directeur général du CHU d’Angers, établissement qu’il dirigera pendant six années avant de rejoindre le cabinet d’Agnès Buzyn en 2017. Après deux ans au cabinet du ministre de la santé, pendant lesquels il a pu présenter la loi de santé et la stratégie nationale d’accès aux soins (Ma santé 2022), il prend la tête du CHU de Bordeaux, quelques mois avant l’arrivée du Covid, et pilote ainsi la crise sanitaire depuis l’hôpital.


En janvier 2024, il devient directeur adjoint du cabinet de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, avant d’être nommé directeur général de l’ARS PACA à l’été 2024.


Yann Bubien est par ailleurs président du GRAPH, think tank du secteur de la santé.


Sa très riche expérience en fait un expert influent  du système de santé français.


Gilles Lagarde et Jean-Marie Martino



Yann Bubien, directeur général                                              de l’Agence Régionale de Santé PACA
Yann Bubien, directeur général de l’Agence Régionale de Santé PACA

Quelle est la loi qui a été la plus marquante dans votre carrière ?


Il s’agit bien sûr de la loi hôpital, patients, santé, territoires de 2009, souvent dénommée « loi HPST » à laquelle j’ai participé au cabinet de la ministre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot.


Tout d’abord, cette loi a fait quelque chose d’incroyablement novateur avec la création des Agences Régionales de Santé (ARS). Elle a également permis de médicaliser la gouvernance des hôpitaux et de faciliter les « coopérations » entre l’hôpital public et le secteur privé, qui sont aujourd’hui encore des axes phares de notre action sanitaire.


Au-delà des dispositifs qu’elle instaure, il s’agit sans conteste de la loi la plus ambitieuse en matière de santé des dernières décennies.


Elle est l’une des premières à prendre en compte l’ensemble des acteurs du système de santé, y compris les patients.


Après les conclusions de la commission présidée par Gérard Larcher, ce projet avait demandé d’importantes concertations et je garde aujourd’hui un souvenir prégnant de la force du travail commun qui nous a permis de moderniser l’ensemble du secteur de la santé et du médico-social.


Quel impact a-t-elle eu pour vous et dans votre organisation ?


En tant que directeur général d’ARS, je constate à quel point la création des ARS, il y a 15 ans, a permis de simplifier et d’unifier de façon inédite des services de l’État et de l’Assurance maladie, tout en conférant une autonomie très singulière à ces agences, leur permettant de jouer pleinement leur rôle d’accompagnement des acteurs sanitaires et médico-sociaux.


Notre système de santé souffrait de cloisonnement, parce que nous avons toujours considéré l’hôpital, la médecine de ville et le médico-social en silos séparés.


Il s’agissait donc, avec la loi HPST, de mettre fin à des ruptures entre des segments de la politique de santé sur le territoire, en vue de bâtir une politique de santé inclusive. Plus précisément, l’objectif consistait à mener une réflexion sur la prévention et la promotion de la santé, en en faisant le socle de nos politiques, avec notamment le volet santé-environnement que nous cherchons à développer.


Il fallait également compléter l’offre de soins, en ajoutant à l’offre hospitalière (publique, privée non lucrative et privée lucrative), l’offre de soins de ville, qui était alors plutôt isolée.

Enfin, il s’agissait de rajouter à toutes ces composantes la compétence État sur le volet médico-social, qui était, avant la création des ARS, placé sous la responsabilité des directions

régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), ainsi que les compétences de veille sanitaire, qui étaient jusqu’à présent exercées par le préfet.


Dans la configuration précédente, les ARH coexistaient donc avec sept autres acteurs publics :


  • Les DRASS ;

  • Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ;

  • Les groupements régionaux de santé publique ;

  • Les maisons régionales de santé ;

  • L’assurance maladie ;

  • L’autorité préfectorale ;

  • Les collectivités territoriales.


De ces 8 institutions est née l’Agence Régionale de Santé. Celle-ci a donc permis de simplifier de façon remarquable le panorama sanitaire et médico-social et de renforcer l’expertise et les compétences en la matière sur les territoires.


Il reste encore à renforcer l’échelon départemental des ARS afin de les rendre les plus proches possibles des citoyens et des élus locaux, municipaux et départementaux.


Comment avez-vous conduit les changements impulsés par cette loi ?


J’ai pu concrètement mettre en œuvre les dispositions de la loi ayant trait à la gouvernance des hôpitaux publics, en tant que directeur général du CHU d’Angers puis en tant que directeur général du CHU de Bordeaux.


À Angers, j’ai pu former un véritable trio avec le président de la commission médicale d’établissement, le Pr Norbert Ifrah, et la Pr Isabelle Richard, doyen de médecine, lors de mes six années d’exercice. Si je portais l’ensemble des responsabilités juridiques en tant que chef d’établissement, nous avons pris l’ensemble des décisions en binôme, dans l’esprit de la loi et surtout du bon sens. Idem à Bordeaux, où j’ai pu exercer aux côtés du Pr Philippe Morlat puis du Pr Nicolas Grenier, ainsi qu’avec le Pr Pierre Dubus, doyen de médecine.


Contrairement aux nombreuses critiques suscitées par la loi HPST, les instances des hôpitaux ont pu être profondément renouvelées et modernisées, consacrant notamment un pouvoir élargi au directoire, au sein duquel siègent tout ou partie des chefs de pôle.


Si vous en aviez le pouvoir, quelle réforme de cette loi aimeriez-vous apporter aujourd’hui ?


La loi portait déjà une ambition forte sur les enjeux d’accès aux soins pour l’ensemble de la population, c’est d’ailleurs tout l’objet de son deuxième titre.


En effet, l’article 43, qui modifiait le code de la santé publique, avait déjà pour objectif de faire appel aux médecins généralistes des zones richement dotées à exercer dans les « déserts médicaux ». Techniquement, le directeur général de l’ARS aurait pu, après

consultations des acteurs concernés, proposer aux médecins d’adhérer à un contrat santé solidarité par lequel ils s’engagent à exercer dans les zones sous-dotées du territoire. Cette disposition n’a hélas jamais été appliquée.


Le fait que des propositions similaires soient aujourd’hui présentées par le gouvernement confirment que l’esprit de la loi HPST était résolument novateur et tourné vers l’avenir, avec pour objectif – et je m’y attelle quotidiennement en tant que DG d’ARS – de renforcer l’accès aux soins de l’ensemble de la population, sur tous les territoires.



Interview - Juin 2025


Frédéric Salat-Baroux, Avocat Ancien Secrétaire  général de l'Elysée                                                                                 Crédit photo : BestImage
Frédéric Salat-Baroux, Avocat Ancien Secrétaire général de l'Elysée Crédit photo : BestImage

Frédéric Salat-Baroux, ancien Secrétaire général de l’Élysée (2005-2007) pense la question territoriale depuis de nombreuses années. Son ouvrage « Révolution par les territoires » co-écrit avec Éric Hazan en appelle à un véritable changement de fond pour répondre aux grands enjeux locaux, nationaux et européen. Pour cela, il fait des territoires le point de départ d’une révolution à la fois démocratique, économique et technologique. Et si l’avenir passait par le réenracinement ?


Frédéric Salat-Baroux, votre dernier ouvrage « Révolution par les territoires » pose le constat d’une France, et plus largement d’un occident en perte de repères. Face à cela, vous en appelez à

un « réenracinement ». Que recouvre ce terme ?


Aux crises économiques, environnementales, géopolitiques actuelles s’ajoute une crise morale liée à la perte de repères et aux difficultés du quotidien. On ne se reconnait plus et l’on ne reconnait plus le pays dans lequel on vit.

Avec Éric Hazan, nous pensons qu’une des solutions pour sortir de ce malaise est d’encourager l’installation dans les territoires. Le terme terroir, si français, nous paraît en réalité plus juste.


Ce réenracinement est possible aujourd’hui grâce aux nouvelles technologies et sans avoir à renoncer à ses ambitions.

Pour cela, il faut en faire un projet national et se doter de l’ensemble des infrastructures numériques et de transport nécessaires et adapter notre droit du travail.

C’est possible.


Parmi les maux de notre temps, vous évoquez « l’économisme », phare contemporain qui aurait remplacé les Lumières et contribué aux grands bouleversements de notre civilisation. Où en est l’économisme aujourd’hui, et comment dépasser cet état d’avidité sans fin qui semble à bout de souffle ?


L’économisme, cette idée que tout peut se ramener à une logique de marché a conduit à la globalisation, aux délocalisations et à la désindustrialisation. Il a conduit aussi à la flambée des inégalités et à ce que nous appelons l’entrée en martyre des classes moyennes.

L’Occident pensait être le grand vainqueur de la globalisation. Elle l’a, au contraire, plongé dans une crise profonde. 


Et l’Occident est aujourd’hui concurrencé dans ce qu’il pensait lui être réservé : l’innovation et la technologie.

Le trumpisme est une forme finale d’économisme : penser que tout est business. Il est voué à l’échec.

Face à cela, il nous faut rebâtir notre modèle à partir d’une double exigence :  le réenracinement et l’innovation technologique.


« Pas de société solide sans enracinement. Pas de moyens d’agir et de conserver notre modèle sans création de richesses et donc sans être à la pointe de l’innovation. »

Pas de société solide sans enracinement. Pas de moyens d’agir et de conserver notre modèle sans création de richesses et donc sans être à la pointe de l’innovation. Notre manifeste vise à engager ce débat pour nous permettre de relever ce double défi.


Pour lutter contre une globalisation destructrice, vous en appelez à une véritable révolution par le local. Votre vision s’appuie-t-elle sur le fédéralisme girondin issu de la Révolution, sur la décentralisation des lois Defferre ou sur une nouvelle architecture à bâtir ?


Nous pensons que nos pouvoirs publics sont impuissants parce les différents échelons (territoires, gouvernement, Président de la République, Europe) ne font pas ce que l’on attend d’eux et font ce qui serait mieux fait par d’autres.

Nous récusons l’idée d’une nouvelle architecture ou la remise en cause de la Ve République. Il faut remettre chacun des échelons à sa juste place. C’est l’image que nous employons des quatre chevaux de Ben Hur, où, en les positionnant selon leurs qualités propres, il mène son char à la victoire.


Aujourd’hui, les territoires sont murs pour gérer l’ensemble des services publics du quotidien (santé, éducation, social, économie, emploi, logement, énergie…). Le gouvernement doit, lui, se concentrer sur la sécurité, l’immigration, la remise en ordre de nos comptes et la simplification de la loi. Le Président doit d’abord être en charge des affaires internationales et européennes et de la préparation de l’avenir. Quant à l’Europe, son rôle n’est pas de produire de la norme mais de relever le défi de la puissance économique lancé par les Etats-Unis et à la Chine.

Il nous faut, en réalité, retrouver la logique profonde de la Ve République et la vision si actuelle du général de Gaulle en 1969, fondée sur la nécessité de faire participer chacun à la gestion de ce qui fait son quotidien.


Dans cette révolution par le local, quelle place faites-vous aux Conseils départementaux ? Les départements ont-ils de 

l’avenir ? Si oui, sur quelles prérogatives ?


Les départements ont un rôle essentiel. En zones rurales ou faiblement urbanisées, ce sont eux qui représentent et portent l’État et les services publics. Ce n’est rien connaître à la France que de proposer leur suppression dans une logique de nouvelle architecture territoriale. En revanche, il faut donner au couple région-départements, outre de nouvelles compétences, la liberté de s’organiser.


La situation n’est évidemment pas la même en zone rurale ou dans les grandes agglomérations. Il faut laisser à nos élus la possibilité d’adopter la meilleure organisation au regard des réalités du terrain. Pour cela, l’instauration du conseiller territorial est une réforme essentielle pour lier politiquement et démocratiquement la région et les départements. Un des membres du binôme cantonal doit siéger au conseil départemental, l’autre au conseil régional. Et le président du conseil régional doit être élu par les conseillers cantonaux et non dans le cadre de liste.

A cela s’ajoute notamment les questions de pouvoir adapter les règles au plan local et de sortir de la logique des dotations au profit de l’affectation d’impôts aux différents échelons territoriaux. Ce qu’a proposé le rapport Woerth est une première étape.


Que manque-t-il pour que cette révolution par les territoires voit le jour ?


Une prise de conscience, une volonté mais aussi beaucoup de travail technique. Aux élus, je dis : prenez le pouvoir du quotidien. Au Gouvernement, au Chef de l’État, je dis : prenez conscience qu’une telle évolution vous permettra de jouer pleinement votre rôle et de répondre aux attentes de la Nation. J’en appelle ainsi à la mise en place d’une Convention pour la République des territoires.

Elle devra réunir les compétences politiques, juridiques et techniques pour bâtir un projet fiable et viable de nouvel équilibre des pouvoirs. Le Sénat a vocation à l’accueillir. Le temps qui nous sépare de l’élection présidentielle permet de conduire ce travail approfondi. Le moment est venu.


« Ce n’est rien connaître à la France que de proposer la suppression des départements dans une logique de nouvelle architecture territoriale »



 Juin 2025

Bernard de Froment, Ancien député et président du Conseil départemental de la Creuse, Avocat spécialisé en droit public associé du cabinet Publica-Avocats
Bernard de Froment, Ancien député et président du Conseil départemental de la Creuse, Avocat spécialisé en droit public associé du cabinet Publica-Avocats

La décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1129 QPC du 28 mars 2025 M. Rachadi S. (Démission d’office d’un conseiller municipal ayant été condamné à une peine complémentaire d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire), si attendue par la classe politique (et pas seulement par le Rassemblement National), a fait couler beaucoup d’encre.


Très attendue, cette décision l’était, parce nombreux étaient ceux qui pensaient que les sages du Palais-Royal, par la position qu’ils prendraient alors, allaient priver d’effet le jugement du juge pénal du tribunal judiciaire de Paris, en date du 31 mars 2025.


Celui-ci, pour mémoire, ajoutait à une peine de prison de 4 ans, dont 2 fermes aménagés sous bracelet électronique, et à une amende de 100.000€, une inéligibilité immédiate de cinq ans, compromettant la candidature de Marine Le Pen, à la présidentielle de 2027.


Comment pouvait-on imaginer priver la candidate adoubée, selon les sondages, par 30 à 35% des français, de représenter ceux-ci à l’élection cardinale de notre République et de diriger le pays, si elle parvenait à briser au second tour le plafond de verre qui, jusqu’à présent, (les dernières élections législatives l’ont encore démontré), font obstacle à l’arrivée au pouvoir du parti lepéniste ?


A l’appui de cette thèse courait, dans le landerneau politique, le bruit que la nomination de Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel, grâce à l’abstention opportune des députés du RN membres de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale 1 , allait faire pencher les Sages de la rue de Montpensier, en faveur de la solution raisonnable ainsi résumée : un élu qui n’a pas été définitivement condamné par le juge pénal ne peut pas voir l’inéligibilité prononcée à son égard, être exécutée immédiatement, tant que celle-ci n’a pas été confirmée par le juge d’appel, et devenue définitive après le rejet de son éventuel pourvoi en cassation.


Naïvement, comme d’autres, je m’imaginais que cette vision du droit était consubstantielle à l’Etat de droit !


Rappelons ici que cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. 


Une application stricte de ce principe voudrait qu’une sanction pénale complémentaire privant un citoyen de ses droits civiques, comme une peine d’inéligibilité, ne puisse pas être appliquée tant que les recours nationaux de droit commun (appel et cassation) n’ont pas été rejetés.


Il ne s’agit pas d’une question théorique, car il arrive qu’une peine complémentaire d’inéligibilité prononcée, assortie de l’exécution provisoire, et donc appliquée, soit annulée en appel ou par l’effet d’un arrêt de la Cour de cassation.


« Cette mesure est constitutive par elle-même d’une atteinte grave et immédiate au principe de la présomption d’innocence, élément non dissociable de l’État de droit. »

A cet égard, on rappellera que Brigitte Bareiges, ancienne élue LR, actuelle députée ciottiste de Tarn-et-Garonne, avait été déchue de ses mandats de maire de Montauban et de conseillère départementale, dans le cadre d’une obscure affaire d’emploi fictif d’un chargé de communication à la mairie, par un jugement pénal de première instance du 9 février 2021, avant d’être relaxée par un arrêt de cour d’appel du 14 décembre de la même année.


Pour rejeter la QPC formée devant lui par l’ancien élu mahorais, le Conseil constitutionnel a, après avoir jugé que les dispositions contestées n’étaient pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissaient ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni le principe d’égalité devant la justice, ni en tout état de cause l’article 2 de la Constitution 2 et le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, les a déclarées, sous la réserve d’interprétation fondée sur le droit d’éligibilité énoncée au paragraphe 17, conformes à la Constitution.


Cette réserve d’interprétation dudit paragraphe 17 est ainsi rédigée: « Sauf à méconnaître le droit d’éligibilité garanti par l’article 6 de la Déclaration de 17893 , il revient alors au juge, dans sa décision, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur. »


Dans la pratique, cette précaution d’usage, sous forme d’admonestation énoncée par le Conseil, a une portée quasi nulle, car elle ne saurait dissuader le juge pénal de première instance de 

« retenir ses coups », s’il entend, pour des raisons qui ne sont pas toujours avouables, écarter de la vie politique locale ou même nationale tel(le) ou tel(e) élu(e).


Certes, comme le relève, dans un « au surplus », le Conseil,  « l’intéressé peut former contre l’arrêté [préfectoral] prononçant la démission d’office une réclamation devant le tribunal administratif ainsi qu’un recours devant le Conseil d’État », …  

« la jurisprudence constante du Conseil d’État [étant] que cette réclamation a pour effet de suspendre l’exécution de l’arrêté, sauf en cas de démission d’office notifiée à la suite d’une condamnation pénale définitive. »


Mais, je ne crois pas beaucoup à ce garde-fou : hormis l’intérêt somme toute appréciable de gagner du temps, ne pas confirmer l’exécution provisoire de déchéance du ou des mandats électifs en cours ou l’inéligibilité d’un candidat à une élection reviendrait pour le juge administratif à censurer une décision de justice rendue par un juge relevant d’un autre ordre de juridiction, ce qui serait « franchir le Rubicon ».


Quelle conclusion, dès lors, tirer de la récente décision du Conseil constitutionnel ?


Pour ma part, elle serait d’Inviter le législateur à revenir sur la loi qui permet au juge pénal d’assortir les peines complémentaires d’inéligibilité de l’exécution provisoire.


Et ce, pour une raison très simple : parce que cette mesure est constitutive par elle-même d’une atteinte grave et immédiate au principe de la présomption d’innocence, élément non dissociable de l’Etat de droit.


2 « La langue de la République est le français.

L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L’hymne national est la “Marseillaise”.

La devise de la République est “Liberté, Egalité, Fraternité”.

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».


3 « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »


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